L’industrie textile est la deuxième industrie la plus polluante au monde et la plus émettrice de gaz à effet de serre. Face à ce constat, de nombreuses initiatives fleurissent pour fabriquer des vêtements à partir de fibres écoresponsables. Certaines marques utilisent du polyester recyclé fait de bouteilles en plastique. Mais que penser de cette matière ? Est-elle vraiment écologique? Comment se positionne-t-elle par rapport à des fibres naturelles?
Du plastique au vêtement : un procédé toxique?
Avant qu’un vêtement à base de polyester recyclé n’arrive en magasin, il doit passer par de nombreuses étapes. Ce processus de fabrication est-il toxique pour l’environnement et la santé?
Premier constat : le processus de transformation d’une bouteille en plastique en fil de polyester présente plusieurs avantages. Il évite une mise en décharge et une incinération de plastique usagé, fortement émettrices de CO2. Ensuite, la production du polyester recyclé est deux fois moins gourmande en énergie par rapport au polyester vierge et réduit d’un tiers les émissions de CO2.
Concernant la transformation de la fibre en vêtement, les paramètres diffèrent selon les entreprises. Celles qui sont engagées dans une démarche écologique pourront certifier la non-toxicité de leur tissu grâce à des labels, tels que Oeko-Tex.
La coloration de la fibre représente un autre enjeu environnemental. Le recyclage mécanique du polyester rend parfois difficile l’obtention d’une couleur uniforme. Cela peut signifier plusieurs étapes de teinture, souvent gourmandes en eau, en énergie et en produits chimiques. Là encore, tout dépend de la sensibilité écologique de l’entreprise. Des teintures naturelles ou biologiques peuvent aussi être utilisées pour colorer le tissu.
La production du polyester nécessite aussi de l’antimoine, un catalyseur connu pour être cancérigène. Les agences de santé considèrent cependant que les quantités utilisées sont trop faibles pour être toxiques.
Une fois son stade final atteint, le vêtement a encore des impacts sur l’environnement. Plusieurs études démontrent que le lavage des vêtements synthétiques participe à l’augmentation des micro-fibres dans les océans. Un simple cycle de lavage pourrait rejeter plus de 700 000 fibres de plastique. Cette situation est particulièrement problématique car elle a un impact environnemental, sanitaire et économique. Toutes les matières seraient concernées, pas uniquement celles qui sont synthétiques. Pour y remédier, la solution pourrait être de se doter de filtres spécifiques qui réduisent le rejet de ces micro-fibres.
Le polyester recyclé vs les fibres naturelles
Contrairement aux idées reçues, les fibres naturelles ne sont pas forcément plus écologiques que les fibres synthétiques. La fibre de coton est l’une des matières les plus polluantes au monde à cause des nombreux pesticides et des grandes quantités d’eau utilisées pour la cultiver. Son impact environnemental dépasse de loin celui du polyester recyclé.
Les fibres naturelles les plus écologiques sont le lin et le chanvre. Le chanvre car il nécessite peu d’eau et peu de pesticides pour être cultivé tant sa croissance est rapide. Le lin a les mêmes caractéristiques que le chanvre, à la différence que sa culture est plus complexe.
Le coton biologique est également une fibre écologique. Seulement, Marek Weltroski, ingénieur chimiste et professeur au Cégep de Saint-Hyacinthe, estime que sa culture s’adresse à un marché de niche. « On ne peut pas produire les quantités de coton dont le monde a besoin selon la méthode biologique. » précise-t-il.
Les fibres naturelles présentent l’avantage d’être biodégradables et peuvent sans cesse se régénérer. C’est rarement le cas du polyester recyclé car sa composition est souvent mélangée à d’autres fibres, entre autres pour donner de l’élasticité au tissu. « La pire chose pour la régénération, c’est le mélange des fibres. » indique le professeur Weltroski.
Toutes les fibres artificielles ne sont pas nécessairement mauvaises. Le professeur Weltroski trouve l’alternative des fibres à base de cellulose (telles que le Lyocell ou le Tencel) intéressante car elles peuvent sans cesse se régénérer. Le Tencel, par exemple, est issu de la pâte de bois provenant de plantations d’arbres d’eucalyptus certifiées durables. Cette fibre fonctionne en circuit fermé et elle est entièrement biodégradable.
Recycler le plastique en textile est donc intéressant d’un point de vue environnemental. Seulement, certaines fibres naturelles ou artificielles s’en sortent mieux que d’autres. Lorsque vous choisirez votre prochain vêtement, vous êtes désormais armé(e) pour choisir les textiles les plus écologiques. Enfin, réduire son empreinte écologique dans la mode ne se limite pas uniquement au choix des matières. Ne pas céder à la tentation de la mode jetable en limitant ses achats, c’est déjà un premier pas. De nombreuses solutions existent également pour échanger, acheter ou louer des vêtements d’occasion et ainsi leur offrir une deuxième vie!
Charlotte Doumayrou, pour l’Association québécoise Zéro Déchet.
« Open-loop recycling : A LCA case study of PET bottle-to-fibre recycling », article de Li Shen, Ernst Worrell, Martin K. Patel, paru dans la revue Resources, Conservation and Recycling, Vol. 55, numéro 1, 2010.
https://www.commonobjective.co/article/is-recycled-polyester-green-or-greenwashing
https://fashionunited.uk/news/fashion/how-sustainable-is-recycled-polyester/2018111540000
https://www.alpla.com/en/pressrelease/2017/08/study-confirms-excellent-carbon-footprint-recycled-pet
https://www.swedishlinens.com/blogs/news/organic-vs-conventional-cotton
Recycled Textile Fibres and Textile Recycling, Federal Office for the Environment (FOEN), Suisse, 2017.
« Fibres écoresponsables », article de Marek Weltrowski, ing., Ph. D, et Sonia Paradis, paru dans le livre Porter le changement: Pour le développement d’une industrie de mode locale et durable, La Fabrique éthique, 2014.