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Cinq mythes qui nous empêchent d’agir pour le climat

Le geste individuel ne fait pas de différence. D’autres pays polluent plus que nous. Le problème est la croissance de la population planétaire. Ce sont les gouvernements qui doivent légiférer et les industries qui doivent réduire leur pollution. Et de toute façon, il est trop tard. Ces affirmations sèment le doute et alimentent notre sentiment d’impuissance.

En se basant sur les arguments d’experts, déboulonnons ces mythes pour donner de l’air à un mouvement citoyen qui a le vent dans les voiles !

Le geste individuel est un geste d’espoir, partie intégrante d’un mouvement collectif, antidote à l’éco résignation et l’éco anxiété. Il résulte d’une prise de conscience et prouve que le changement est possible. Il n’est pas suffisant, mais il constitue une étape indispensable vers le changement de paradigmes dont notre société a besoin.

Par ailleurs, les recherches menées par des experts ont révélé que six changements de mode de vie relativement simples pourraient représenter un quart des réductions d’émissions nécessaires pour maintenir le réchauffement climatique à 1.5°C. Trois gestes qui ont beaucoup d’impact: manger moins de viande, réduire sa consommation d’électroniques et de vêtements neufs, modérer ses transports motorisés. (1)


Les bilans carbones de la Chine et des États-Unis peuvent impressionner si on ne pousse pas plus loin notre analyse. En considérant les données « par habitant » et en intégrant la consommation (résidences, véhicules, voyages, biens de consommation) ainsi que les portefeuilles d’investissements (subventions aux industries polluantes), on découvre que les nord-américains sont parmi les plus grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES) dans le monde. (4, 5, 6)

Dans son plus récent rapport, le Laboratoire des inégalités mondiales compare l’empreinte carbone par habitant, selon les pays et par tranche de revenu :


Source: World Inequality Report 2022

Précisons que l’empreinte carbone des québécoises et québécois (7) est moins élevée que la moyenne canadienne, une réalité attribuable ni à nos vertus écologiques ni à des politiques ambitieuses, mais plutôt à notre hydroélectricité verte. Selon la Chaire de gestion du secteur de l’énergie (HEC), nous figurons parmi les plus gros consommateurs d’énergie de la planète, amoureux que nous sommes de l’auto-solo et des gros véhicules. (8, 9)

Considérons aussi que les impacts environnementaux ne sont pas seulement constitués de nos émissions de GES. Les québécoises et les québécois figurent parmi les plus grands consommateurs d’eau avec plus de 400 litres par personne par jour, soit deux fois plus que les européennes et européens. (10, 11) Nous sommes parmi ceux qui gaspillent le plus de nourriture (12, 13) et parmi les plus grands producteurs de déchets. (14, 15, 16)


Dans leur livre Une planète trop peuplée, (17) Ian Angus et Simon Butler démontrent que la cause première des problèmes écologiques actuels n’est pas la taille de la population, mais le système économique et social qui repose sur une croissance perpétuelle et une consommation excessive.

Pour sa part, Emmanuel Pont, dans son tout récent livre : Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète? (18) évalue que l’on peut nourrir 10 milliards de personnes en 2050 de manière écologique, à condition d’apporter des changements importants dans les pratiques agricoles et la consommation, en particulier manger moins de viande et gaspiller moins. La faim dans le monde est la conséquence d’une répartition inadéquate et non d’une quantité insuffisante de nourriture.

Effectivement, selon l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) (19), nous produisons assez de nourriture pour alimenter la planète, compte tenu qu’un tiers, soit 1,3 milliard de tonnes de la nourriture produite dans le monde est perdue ou jetée.

Par ailleurs, rendre l’humanité végétarienne libérerait les trois quarts des terres occupées par l’humanité, considérant qu’un hectare de terre peut nourrir soit 2 carnivores ou 50 végétariens. (20) Si nos récoltes étaient uniquement destinées à l’alimentation humaine directe, la part de calories consommables disponible pourrait augmenter de 70 %, ce qui permettrait de nourrir 4 milliards de personnes en plus. (21)

Ajoutons que les pays à forte natalité ne sont responsables que de 3,5% des émissions mondiales de CO2, alors qu’ils abritent 20% de la population mondiale. De surcroît, ces peuples à qui on reproche la surpopulation, sont les premières victimes des conséquences climatiques de la surconsommation des bien-nantis. (22)


Oui, mais attention au triangle de l’inaction, ce phénomène par lequel chaque partie prenante n’agit pas « tant que l’autre n’a pas fait sa part », nous plaçant dans un état de stagnation collective.

Les politiciennes et politiciens placent la lutte aux bouleversements climatiques et la protection de la biodiversité au cœur de leur programme quand les citoyennes et les citoyens les y contraignent. Ils agissent avec courage lorsque les électrices et les électeurs les poussent à l’action à travers des sondages, des pétitions, des contestations citoyennes et surtout, à travers leur choix aux urnes.

De la même façon, les entreprises modifieront leurs pratiques lorsque le prix ne sera plus le seul critère décisif à l’achat des biens de consommation, sans égard aux droits humains bafoués, aux habitats détruits, aux rivières polluées et aux kilomètres parcourus pour produire ces biens. Acheter, c’est voter.

Citons finalement le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) dans son dernier rapport : « Nous avons besoin d’une transformation radicale des processus et des comportements à tous les niveaux: individus, communautés, entreprises, institutions et gouvernements. Nous devons redéfinir notre mode de vie et de consommation. » (3)


Plusieurs limites biogéochimiques de la planète ont été dépassées (23) et les milliers d’espèces disparues ne réapparaîtront jamais. Oui, c’était mieux d’agir il y a 20 ou 30 ans, mais ce n’est pas parce que nous ne l’avons pas fait que tout est perdu. Les scientifiques du monde entier nous répètent qu’il n’y a pas de date butoir, il n’y a qu’une sacrée urgence d’agir. Plus nous agissons vite, moins les changements nécessaires seront contraignants, plus les mesures seront efficaces, et nous limiterons les effets en cascade amplificateurs des phénomènes climatiques. (24, 25)

Ainsi, en dépit de ses conclusions alarmantes, le GIEC nous donne espoir : chaque fraction de degré de réchauffement évitée est cruciale et va nous épargner plusieurs catastrophes, sauvant des vies et des drames humains. Chaque tonne de CO2 compte. Nous avons notre avenir climatique entre nos mains, il ne tient qu’à nous de réduire drastiquement nos émissions, rapidement, et de façon durable. (26)



Inspirons-nous de l’œuvre majestueuse Legacy, Notre héritage (20), où Yann Arthus-Bertrand partage sa vision de notre monde qu’il a vu se dégrader le temps d’une génération. À la toute fin du film, il a la finesse de nous proposer des pistes d’actions pour décarboner nos vies :

Rejoignons le mouvement, un geste à la fois, mais maintenant! Comme le conclut Arthus-Bertrand: « Agir rend heureux. »

Nathalie Ainsley, pour l’Association québécoise Zéro Déchet

Sources :

    1. Six changements de mode de vie clés peuvent aider à éviter la crise climatique, selon une étude | Crise climatique | Le gardien
    2. Climat : point de bascule et optimisme (bonpote.com)
    3. L’humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques | Radio-Canada.ca
    4. Climat : « Oui, mais la Chine ? » | L’actualité (lactualite.com)
    5. Rapport: les riches émettent 20 fois plus de GES par personne que la moitié des Canadiens les plus pauvres | Le Devoir
    6. World Inequality Report 2022, by World Inequality Lab
    7. La vraie empreinte carbone des Québécois | La Presse
    8. État de l’énergie au Québec 2022 – Chaire de gestion du secteur de l’énergie (hec.ca)
    9. Les Québécois consomment de plus en plus d’énergie, selon une étude | Le Devoir
    10. Consommation d’eau dans la maison – Maison Écol’Eau (caaquebec.com)
    11. Économiser en réduisant le gaspillage de l’eau | Solution ERA
    12. Les Canadiens, champions du gaspillage alimentaire | Le Devoir
    13. Les Canadiens, chefs de file du gaspillage alimentaire | Radio-Canada.ca
    14. Le Canada, champion de la production de déchets dans le monde | Le Devoir
    15. Le Québec produit toujours plus de déchets | La Presse
    16. 2022-01, BAPE. Rapport d’enquête et d’audience publique, L’état des lieux et la gestion des résidus ultimes
    17. Ian Angus et Simon Butler. 2014. Écosociété | Une planète trop peuplée? 
    18. Emmanuel Pont. 2022. Payot. Faut-il arrêter de faire des enfants?
    19. Mettre fin au gaspillage alimentaire permettrait de nourrir la planète, plaide la FAO | Le Devoir
    20. Yann Arthus-Bertrand. Film de Hope Production. 2022. Legacy, Notre héritage
    21. Emily S Cassidy, Paul C West, James S gerber, Jonathan A Foley. University of Minnesota. 2013. Redefining agricultural yields: from tonnes to people nourished per hectare et  Lien vers la video 
    22. Publications LinkedIn de Thomas Wagner, tableau des émissions cumulées de CO2 vs vulnérabilité des pays
    23. Anctil, François et Diaz, Liliana. 2016. Presses de l’Université Laval. Le développement durable, enjeux et trajectoires, deuxième édition.
    24. 3,3 milliards d’êtres humains exposés au changement climatique : le nouveau rapport du GIEC est sans appel (bonpote.com)
    25. Climat : les 12 excuses de l’inaction, et comment y répondre (bonpote.com)
    26. 10 erreurs de communication sur le climat à rectifier d’urgence (bonpote.com)
    27. Nos enfants n’ont pas à payer pour nos excès – Fondation David Suzuki
    28. Un budget carbone pour discipliner les riches | La Presse
    29. Changements climatiques | Faudra-t-il un passeport carbone ? | La Presse

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