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L’espacement de la collecte des déchets, le bouc émissaire des enjeux de salubrité

Progressivement depuis trois ans et demi, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve a espacé la collecte des ordures ménagères à chaque deux semaines plutôt que de manière hebdomadaire. La mesure a été déployée suite à l’extension de la collecte de matières organiques, ce qui fait que — malgré certaines critiques de la part des plus récalcitrants au changement — elle a fait ses preuves en permettant l’augmentation de 30% de l’utilisation du compost

Malgré ce bilan environnemental démontré, Projet Montréal, en vue des élections, s’est engagé à ramener la collecte sur une base hebdomadaire durant « une » période estivale (dont les contours précis demeurent à définir). 

Cette manœuvre vise à couper l’herbe sous le pied à leur principaux opposants politiques qui ont annoncé le même engagement, et ainsi permettre — on imagine — de mener une campagne sur des thèmes plus favorables à Projet Montréal. 

L’INSALUBRITÉ N’EST PAS L’ESPACEMENT DE LA COLLECTE DES DÉCHETS

Or, sous ses apparences de compromis et de « gros bon sens », cette annonce présente un véritable recul, et est fondée sur une confusion entre propreté et collecte des déchets.

Ce ne sont pas les citoyens de bonne foi, soi-disant à bout de ressources face à leur production quotidienne de déchets, qui décident de garrocher leurs vidanges n’importe quel jour n’importe où dans la rue : il s’agit plutôt du fait d’une minorité d’individus peu soucieux du vivre-ensemble. De tels comportements, on en retrouve partout dans la ville, espacement de la collecte ou pas. C’est d’ailleurs dans Ville-Marie plutôt que MHM qu’on recense le plus de plaintes au 311 concernant la présence de rats. Mais rappelons encore une fois : le confinement de la matière putrescible dans les bacs de compost fermés (plutôt que des sacs de plastique à même le sol) permet de lutter contre la vermine. 

Ici comme ailleurs, l’enjeu principal est le respect des jours et heures de collecte.

UN BON BOUC ÉMISSAIRE

L’espacement est un bouc émissaire qui permet d’éviter l’introspection que tout un chacun devrait faire : on génère bien trop de déchets dans ce monde capitaliste et bien du monde se moque de combien et comment ils s’en départissent. La lecture du livre de Simon Paré-Poupart fait d’ailleurs mal à cet égard et notre rapport si peu respectueux au travail invisible des « vidangeurs » est révélatrice de cette indifférence.

La multiplication des interventions plus ou moins sensationnalistes portant sur les dépôts sauvages et compagnie (généreusement alimentée par quelques « militants anti-espacement ») ont rendu l’enjeu toxique et l’efficacité dans les médias d’une photo de sacs de vidange traînant sur la rue, redoutable. Le débat public failli et c’est nous, collectivement, qui y perdons.

CHANGEMENT DE COMPORTEMENT OU FIN DU MONDE ?

En matière d’environnement et de changement de comportement, on sait que ce sont les mesures contraignantes comme des taxes et interdictions qui génèrent le plus de résultats positifs pour la collectivité — mais aussi le plus de mécontentement. 

La mise en place de ce type de mesure requiert du courage politique. 

L’annonce de cette semaine représente une capitulation à court terme face à ce mécontentement — et ne règlera en rien la situation. Elle risque même d’empirer les choses en générant, à chaque automne, une confusion sur les horaires de collecte et un ralentissement de la participation à la collecte des matières organiques. Espérons, pour être charitable, que ce calcul politique permette de réaliser des gains plus importants à plus long terme, tel que l’extension de la mesure à l’ensemble des arrondissements de Montréal. 

Il n’en reste pas moins que si nous ne parvenons même pas à gérer nos déchets de manière responsable, nos chances d’être à la hauteur face à l’ampleur des crises environnementales sont bien minces. Avons-nous déjà oublié les canicules et les feux de forêt qui rendent l’air irrespirable ? Eux aussi sont rendus aux deux semaines. 

Et vous savez quoi ?
Ils sont en voie de revenir sur une base hebdomadaire durant « la période estivale ».

– Laure Mabileau, coordonnatrice de l’Association québécoise Zéro Déchet

Sources :

(1) Espacement de la fréquence de collecte des ordures ménagères dans MHM – Des résultats positifs à l’échelle de l’arrondissement, Rapport d’étape – Juin 2025
(2) Augmentation de 11 516 plaintes au 311 en 2021 à 16 856 plaintes en 2024 sur les dépôts sauvages – Source : Ville de Montréal
(3) 1700 appels ont été passés à Montréal au 311 en 2024 concernant des rats contre 1000 deux ans plus tôt – Source : Ville de Montréal
(4) Ordures ! Journal d’un vidangeur, Simon Paré-Poupart