L’écoanxiété, de plus en plus répandue chez les jeunes, serait-elle signe de lucidité et d’empathie envers le vivant de la part de la nouvelle génération? Devant la menace confirmée d’un cataclysme environnemental, n’est-ce pas une réaction normale d’avoir peur? Devant l’inaction des dirigeants et des adultes censés les protéger, peut-on leur en vouloir de se sentir trahis? Devant le pillage de leurs ressources par la génération qui les précède, comment ne pas comprendre leur colère?
Noémie Larouche, rédactrice en chef du magazine de science pour adolescents Curium, nous amène à aborder l’écoanxiété des jeunes sous un angle différent dans son récent livre Écoanxiété, l’envers d’un déni. Le monde aurait-il besoin de plus d’écoanxieux et d’écoanxieuses? Ne devrions-nous pas plutôt nous inquiéter de ceux et celles capables de vivre dans le déni d’une catastrophe imminente, et qui perpétuent des comportements contribuant à amplifier celle-ci?
paralysie ou moteur d’action?
Les symptômes de l’écoanxiété, toutefois, ne sont pas à prendre à la légère : stress, insomnie, crises d’angoisse et de panique. Si les symptômes sont paralysants chez votre enfant et l’empêchent de fonctionner, les soins d’un ou d’une professionnelle de la santé peuvent s’avérer essentiels. Cependant, l’écoanxiété de nos adolescents et adolescentes peut devenir un puissant catalyseur de changement, si nous les guidons et les soutenons.
En effet, l’anxiété étant une forme d’activation du corps pour réagir à une menace, les spécialistes suggèrent d’utiliser cette énergie comme moteur d’action afin de réguler le système, de canaliser les débordements dans les gestes concrets et l’engagement, plutôt que de laisser le corps et la tête s’emballer.
Comment alors soutenir nos adolescents et adolescentes?
1. Accueillir avec empathie.
Ce dont ils ont besoin, affirme Martine Capron, écothérapeute, c’est d’abord d’être écoutés et rassurés sur la normalité de ce qu’ils éprouvent. Le fait de vivre des émotions de tristesse, de peur et de colère par rapport à ce qui se passe dans le monde est tout à fait sain.
Minimiser la gravité de la situation et tenter de les convaincre que ça va bien aller risque au contraire de les infantiliser et les amener à se refermer sur eux-mêmes. Thomas Doherty, écopsychologue américain affirme d’ailleurs qu’il vaut mieux ne pas chercher à nuancer l’ampleur avec laquelle la crise est perçue, mais plutôt reconnaître les sentiments qu’ils éprouvent et préserver leur envie d’agir et de se mobiliser, qui est à la fois bénéfique pour l’individu et le monde.
2. Découvrir ensemble l’autre facette de l’actualité environnementale
Il est illusoire de penser que nous pouvons préserver nos enfants des mauvaises nouvelles. Autant s’informer afin d’être en mesure de dialoguer sur les enjeux, les aider à repérer l’information de sources crédibles, et surtout, les exposer aux solutions.
S’il y a une chose à reprocher aux médias traditionnels, c’est qu’ils présentent les problèmes sans solutions, nous laissant souvent croire qu’il n’y ait rien que l’on puisse faire. Ils établissent peu de lien entre l’effondrement de la biodiversité et du climat, notre mode de vie et les actions individuelles et collectives qui peuvent changer la donne. Découvrez ensemble les médias positifs : ceux qui décrivent chaque jour les initiatives portées par des personnes partageant les mêmes inquiétudes et qui se sont mises en action pour faire bouger les choses. Ces médias qui nous rendent témoins d’un mouvement en marche, qui nous donnent espoir, comme Unpointcinq, Novae, Global Goodness, Carbone, ou encore le documentaire Demain.
En outre, le magazine 100 degrés, promoteur de saines habitudes chez les jeunes, recommande d’exposer votre famille aux initiatives citoyennes positives, de goûter à la force du nombre en participant aux marches pour la planète et en signant des pétitions; de visiter des jardins communautaires, des commerces zéro déchet, des friperies, etc. De la même manière, devenez membres, suivez les médias sociaux et abonnez-vous aux infolettres d’organismes regroupant des milliers de personnes de tous âges qui changent le monde, tels Environnement Jeunesse, Coalition étudiante pour un virage environnemental et social (CEVES), Nature Québec, Équiterre, la Fondation David Suzuki, Mères au Front, l’Association québécoise Zéro Déchet, et encouragez financièrement des projets ou des initiatives de votre ville ou de votre quartier!
3. Adopter un mode de vie écoresponsable.
Un enfant lucide risque de développer du cynisme devant un parent qui jure l’aimer plus que tout, mais qui maintient des habitudes de surconsommation, faisant fi des conséquences néfastes sur l’avenir de sa progéniture. A contrario, poser des gestes militants ou visant à améliorer votre bilan environnemental solidifiera la relation de confiance et rassurera votre enfant quant à l’amour que vous lui portez.
Ainsi, quand la protection de l’environnement devient la priorité de la maisonnée, les occasions de réduire son empreinte écologique sont multiples. Cuisinez plus, consommez des aliments locaux, bios, en vrac, mangez moins de viande, achetez moins d’objets et de vêtements neufs, fabriquez vos produits ménagers, éliminez les articles à usage unique, réutilisez et réparez tout ce que vous pouvez. Allez-y un changement à la fois, faites-en un projet familial, riez de vos erreurs, et surtout, célébrez vos victoires. Se soucier de la planète, ça peut aussi être une activité joyeused et rassembleuse!
4. Reconnecter avec la nature
« Il s’agit de l’écosystème dont nous, êtres humains, sommes issus. Il est bien normal qu’un mode de vie qui nous en éloigne se répercute sur la santé physique et psychologique, comme sur le développement des jeunes. », affirme Marie-Pascale Deegan, du magazine 100 degrés.
Comme pour l’activité physique, les bienfaits de se retrouver en contact avec la nature ne sont plus à démontrer : baisse de la pression artérielle, du taux de cortisol et de l’adrénaline, amélioration de l’immunité. Le docteur Qing Le, immunologiste spécialiste de la sylvothérapie (bain de forêt), insiste sur l’importance de la régularité des sorties, et de l’intégration de la nature à notre mode de vie.
Parents, pas de pression! Il ne s’agit pas d’organiser de grandes expéditions, mais d’aller jouer dehors, marcher dans les parcs, dépoussiérer le ballon de soccer ou le gant de basebal, faire du jardinage, etc. Pourquoi ne pas vous initier au camping ou au géocaching, afin d’encourager la ribambelle à sortir de la maison et multiplier les occasions de se retrouver en forêt?
L’inspiration de la famille Thunberg
Dans le livre Our House Is on Fire, la mère de Greta Thunberg décrit comment les problèmes de santé mentale de sa fille ont été les déclencheurs de la transformation des habitudes de la famille, en commençant par l’adoption d’une alimentation végétalienne et l’évitement des voyages en avion. Greta n’arrivait pas à concilier les multiples contradictions de leur mode de vie. Établissant un lien entre leurs souffrances propres et celles de la planète, les Thunberg ont adressé leur problème familial en prenant action de façon plus large. La suite, nous la connaissons : de la tristesse et de l’angoisse a émergé une énergie mobilisatrice sans précédent.
Sans aspirer à la notoriété et à l’impact des Thunberg, votre famille peut-elle contribuer à faire avancer la cause? Sans espérer convaincre des millions de personnes à travers le monde, votre exemple peut-il inspirer quelques-uns de vos proches?
Par amour pour nos enfants
Comme parents, éducateurs ou éducatrices, nous avons le devoir de guider nos adolescents et adolescentes dans leur développement, en étant soi-même des modèles de cohérence et de bienveillance envers autrui. Pour citer les Thunberg, nous avons également l’immense responsabilité d’être en vie au moment où nos décisions et actions présentes détermineront le sort de la vie sur Terre. Faisons-le d’abord pour leur santé mentale, puis pour leur léguer un monde plus viable. Agissons, par amour pour nos enfants.
Nathalie Ainsley, pour l’Association québécoise Zéro Déchet.
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Sources:
Radio-Canada, (juin 2021) L’humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques L’humanité à l’aube de retombées climatiques cataclysmiques | Radio-Canada.ca
Larouche, N. (2021). Écoanxiété, l’envers d’un déni, Les Éditions Multimondes inc.
Université du Québec à Montréal. (novembre 2021) Êtes-vous éco-anxieux? | Réseau de l’Université du Québec (uquebec.ca)
Deegan, M.-P. (avril 2021). Écoanxiété : comment soutenir les jeunes inquiets de l’avenir de la planète?, Magazine 100 degrés, Écoanxiété: comment soutenir les jeunes inquiets de l’avenir de la planète? | 100° (centdegres.ca)
Deegan, M.-P. (février 2019). 9 bonnes raisons d’encourager les jeunes à profiter des bienfaits de la nature, Magazine 100 degrés, 9 bonnes raisons d’encourager les jeunes à profiter des bienfaits de la nature | 100° (centdegres.ca)
Qing Le, Dr. (juillet 2019). Shinrin yoku : l’art et la Science du bain de forêt, Éditions Pocket
Ernman, M. et B., Thunberg, S. et G. (2020). Our House is On Fire, Scenes of a Family and a Planet in Crisis, Allen Lanes Editions.