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L’écoféminisme, parce que le patriarcat affecte aussi Mère Nature

Atteindre un monde réellement durable, c’est plus que préserver la qualité de l’environnement. C’est aussi relever les défis sociaux pour créer une société plus juste, car les deux combats sont souvent intimement reliés. À l’occasion de la Journée internationale des femmes, nous souhaitons ainsi aborder le sujet de l’écoféminisme : comment les mouvements féministes et écologiques se rejoignent-ils, et pourquoi?

Débutons par une petite leçon d’histoire… Il est important de souligner que c’est dans les pays en voie de développement que le mouvement écoféministe a d’abord émergé dans les années 70. Le mouvement Chipko en Inde rurale en est devenu l’emblème : à la suite de l’élaboration d’un projet de développement devant abattre 12 000 km² de forêt, un groupe de femmes autochtones se sont mises à protester en enlaçant les arbres pour les protéger. Effectivement, le projet menaçait non seulement leurs terres ancestrales, mais également leurs moyens de subsistance, car elles dépendaient du bois pour se chauffer et pour fabriquer des objets artisanaux dont elles subsistaient.

Femmes
Crédit photo : India Today

Dans cet événement comme dans bien d’autres, les besoins des femmes (particulièrement des femmes autochtones) ont été ignorés par les personnes au pouvoir, un pouvoir fondé dans une culture patriarcale et colonialiste. D’autre part, les femmes sont statistiquement plus touchées par les conséquences de la dégradation environnementale :

  • étant moins bien rémunérées à travail égal, elles sont plus vulnérables face aux différentes crises ;

  • elles souffrent davantage lors des catastrophes naturelles, car la division du travail les mène souvent au front pour aider les autres ;

  • étant souvent chargées d’approvisionner leur famille en nourriture et en eau, les sécheresses rendent ces tâches encore plus difficiles.

Quand on ajoute à cela d’autres formes d’oppression comme celles liées au racisme ou à la transphobie, les femmes tendent à avoir encore moins de ressources pour faire face aux défis environnementaux. Ceci est vrai partout, même chez nous au Québec. On peut penser à l’accès à l’air climatisé lors de canicules, à l’accès à des aliments sains et locaux et même l’accès au zéro déchet, qui sont souvent réservés aux classes plus aisées.

On ne peut se le cacher, les choix plus écologiques coûtent en moyenne plus cher. Pourtant, les femmes sont surreprésentées dans le mouvement écologique – c’est le cas même à l’Association québécoise Zéro Déchet où 79 % des membres sont des femmes! Il existe une pression sociale plus forte sur les femmes de se soucier de l’environnement et de l’avenir de leurs enfants (qu’elles en aient, en veuillent, ou pas) qu’elle ne l’est chez les hommes. Ce souci vient s’ajouter à la charge mentale, concept qui met en évidence que, même si les tâches ménagères sont réparties équitablement dans un couple cisgenre et hétérosexuel, c’est habituellement la femme qui récolte les tâches psychologiques de planification et de décisions qui affectent le foyer. Certaines femmes voudraient bien faire pour la planète, mais si leur statut socio-économique ne le permet pas, elles peuvent être critiquées de vouloir prioriser leur propre survie. Alors qu’en réalité, c’est plutôt le fameux patriarcat qui est à la source des problèmes environnementaux.

Écoféminisme
Crédit photo : Rodion Kutsaev

Concrètement, quelles sont les solutions? D’abord et avant tout, il faut donner plus de place aux femmes dans les positions de pouvoir, particulièrement aux femmes appartenant aux communautés minoritaires. Cet enjeu est non seulement crucial pour obtenir une société plus juste et équitable, mais d’un point de vue environnemental, les femmes accordent en moyenne plus d’importance aux enjeux environnementaux. Comme mentionné plus haut, les femmes mènent les mouvements écoresponsables dans leur implication quotidienne. Dans de nombreuses communautés autochtones, elles sont les gardiennes du savoir ancestral sur les ressources naturelles (Gournay, 2020). Dans ces deux exemples, elles demeurent sous-représentées dans la prise de décision en milieu politique ou entrepreneurial.

Deuxièmement, il faut se défaire des stéréotypes de genre. En particulier, la société patriarcale impose des codes sociaux selon le genre, selon lesquels la masculinité est typiquement construite autour de l’image de l’homme viril et fort qui, au Québec par exemple, conduit son gros pick-up et mange son steak tous les jours – bref, des activités caricaturales pas très écologiques! Si on veut adapter notre société au contexte du changement climatique, il est nécessaire de déconstruire ces faux idéaux pour que tout le monde soit interpellé équitablement à faire sa juste part.

En conclusion, qui que vous soyez et quel que soit votre genre, soyez ouvert.e.s à apprendre et discuter d’écoféminisme. Il s’agit d’un mouvement imparfait avec une histoire complexe, de multiples branches et avis divergents que nous n’avons pas pu aborder dans cette courte présentation, mais c’est une cause qui n’en demeure pas moins importante. Le patriarcat peut parfois sembler un peu abstrait comme ennemi ; effectivement, on lutte essentiellement contre les normes sociales. Les conséquences sont tangibles et certaines solutions le sont aussi : faire un don ou du bénévolat pour des organismes qui se mobilisent autour de ces enjeux, acheter chez des entreprises appartenant à des femmes et / ou personnes issues de minorités, déconstruire les stéréotypes de genre par nos gestes quotidiens… Bref, tout comme le zéro déchet, il s’agit en partie d’adapter nos modes de vie, un geste à la fois!

Par Caroline Tremblay pour l’association québécoise zéro déchet

Sources :

Gournay, Amandine (2020). « Écoféminisme et voix autochtones dans la lutte aux changements climatiques », Le Climatoscope, numéro 2. https://climatoscope.ca/article/ecofeminisme-et-voix-autochtones-dans-la-lutte-aux-changements-climatiques/.

Gournay, Amandine (2019). « Écoféminisme et voix autochtones : perspectives dans un contexte d’adaptation aux changements climatiques », essai présenté au Centre universitaire de formation en environnement et développement durable, Université de Sherbrooke. https://savoirs.usherbrooke.ca/bitstream/handle/11143/16066/Gournay_Amandine_MEnv_2019.pdf?sequence=1&isAllowed=y

Hunt, Elle (2020). « The eco gender gap: why is saving the planet seen as women’s work? », The Guardian, https://www.theguardian.com/environment/2020/feb/06/eco-gender-gap-why-saving-planet-seen-womens-work.

Rochette, Annie, Sophie Gramme et Florence Lavigue Le Buis. « L’intégration du genre dans la lutte aux changements climatiques au Québec », UQAM en partenariat avec le Réseau des femmes en environnement. https://www.rqfe.org/sites/rqfe.org/files/u1260/Rapport%20final.Genre-ch.clim_.pdf