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Sur la route de l’économie circulaire au Québec

Nous sommes en 2027. Le Québec rayonne partout dans le monde grâce aux mesures expérimentales qu’il a entreprises quelques années plus tôt, par rapport à la lutte contre les changements climatiques. Devenu symbole de réussite en matière d’économie verte, son vaste réseau de professionnels est perçu comme étant le chef de file quant au nouveau paradigme : l’économie circulaire. Il a réussi à inspirer les décideurs politiques et institutionnels d’à travers le monde à entreprendre une transition énergétique rapide et cohérente. Le jour du dépassement de la Terre vient officiellement de reculer de cinq mois. L’humanité a compris qu’elle épuisait toutes les ressources que les écosystèmes pouvaient lui offrir. Elle a compris qu’il fallait prendre du recul quant aux systèmes désuets et effrénés de production et de consommation précédents. Il lui reste évidemment toujours du travail à accomplir, mais nous sommes bel et bien sur la bonne voie.

Ce portrait pourrait sembler utopique, voire inenvisageable, mais à l’Association québécoise Zéro déchet, nous restons persuadés que nous pouvons continuer de créer de la valeur tout en réduisant notre empreinte écologique. En accordant la priorité aux ressources régénératrices, en prolongeant la durée de vie de nos objets et en repensant nos modèles d’affaires, nous pourrons enfin concevoir un récit collectif axé sur l’équilibre de la planète.

 

Et si l’on s’armait d’une sincère volonté de renforcer le système de législations environnementales québécois afin d’y amener des solutions durables pour les générations futures ? Quelles sont les alternatives à nos modèles de production et de consommation actuels ? Qu’adviendrait-il si l’économie circulaire devenait la nouvelle réalité des Québécois et des Québécoises ? Dans cet article, nous commencerons d’abord par approfondir le contexte actuel de l’économie circulaire au Québec pour finalement illustrer comment il est possible de s’organiser collectivement en favorisant la collaboration, et ce, afin d’accélérer la transition socio-écologique.

Transformer notre système
Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), l’économie circulaire est un système économique d’échange et de production servant à augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources et à diminuer l’impact sur l’environnement, tout en développant le bien-être des individus. En d’autres mots, c’est un système où tous les biens matériels circulent continuellement entre les consommateurs, sans être jetés à la poubelle. Aucun article ne se retrouve abandonné dans les sites d’enfouissement ni incinéré, puisqu’on le réutilise, le recycle ou le répare. C’est une opportunité unique de repenser la manière dont nous produisons nos objets de tous les jours. Ainsi, à titre d’exemple, l’entreprise québécoise Écosceno se spécialise dans la remise en circulation des décors de plateaux de tournage et de théâtre pour en assurer leur réutilisation. Elle contribue ainsi à réduire l’impact environnemental de la production culturelle québécoise en s’assurant que le mobilier et les décors récupérés seront redistribués à des repreneurs qui leur offriront une deuxième vie, et ainsi de suite. Il existe un tas de solutions visionnaires comme celle-ci. Imaginez si tout le monde s’y mettait?

Le Québec sur la route du changement

Au Québec, les premiers balbutiements de l’économie circulaire s’ânonnent en 2014, avec la création de l’Institut de l’environnement, du développement durable et de l’économie circulaire (EDDEC). De brillants chercheurs d’universités montréalaises entament la création des programmes pilotes qui deviendront quelques années plus tard, les fondations d’un vaste réseau d’entraide, axé sur le développement durable. À ce moment, un conglomérat de pionniers commence à se dessiner. Ces derniers exécutent les premiers pas d’une chorégraphie où tous les danseurs se doivent de se synchroniser efficacement afin d’arriver au même but, celui de faire de la société québécoise, un système focalisé sur la circulation ininterrompue des biens et services québécois dans son économie. La multidisciplinarité s’improvise alors chef d’orchestre.

Le mouvement s’organise, et donne naissance à la collaboration d’une pléthore de différents acteurs de tous les domaines confondus. Les milieux gouvernementaux, industriels, financiers et environnementaux se rejoignent, et en 2015, interrogés sur l’évolution de cette conjecture, ils créent ensemble le Pôle québécois de concertation sur l’économie circulaire. C’est celui-ci qui ouvrira la voie aux changements dans la province, car il permettra de créer des liens entre les industries privées et les institutions publiques. Tout s’enchaîne alors naturellement : on commence à financer des appels à propositions, à diffuser les premières études d’économie circulaire québécoise. On a même la prétention de nommer notre groupe interministériel en économie circulaire, le GIEC. C’est finalement dans cette optique que le Québec commence officiellement à entrer dans l’ère de l’économie circulaire.

À la croisée de l’innovation et de la solidarité

Quels sont alors les problèmes qu’il faudra surmonter au courant de prochaines années afin que le Québec devienne chef de file d’un système de gestion efficace de traitement de ses déchets ? Selon le rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec publié en 2021, l’empreinte matérielle des Québécois aurait atteint 271 millions de tonnes, en 2017. Ce volume équivaut au total des matières que nous avons consommées cette année-là. Mais de ce nombre pharaonique, ce sont seulement 3,5 % de ces millions de tonnes qui auraient été réutilisés. Ce sont donc 96,5 % de nos ressources qui n’auront pas été circularisées cette année-là.  

 

En 2021, le Centre d’études et de recherches intersectorielles en économie circulaire (CERIEC) est créé à l’École de Technologie supérieure (ÉTS). La liste des sigles mystérieux n’a pas fini de s’allonger. Coude à coude, et poussés par un élan enthousiaste de solidarité, ces instigateurs se lanceront sur les routes perrieuses, mais indispensables de la création d’un tout nouveau modèle de production et de consommation. Ce projet ambitieux, Daniel Normandin, directeur du CERIEC, le croit possible seulement si nous connections les acteurs de terrain avec les chercheurs, et que nous faisions en sorte que les gouvernements mettent en œuvre des programmes de subventions d’économie circulaire. Parallèlement, la présidente-directrice générale de Recyc Québec explique, lors d’une conférence sur l’économie circulaire, présentée le 20 septembre dernier par le CERIEC, les grandes étapes nécessaires à la transition verte de la province québécoise. Selon elle, il faudrait développer nos connaissances en développant des objectifs communs, en plus de rassembler les acteurs de tous les secteurs d’activités afin qu’on y intègre l’économie circulaire dans leurs plans, leurs stratégies et leurs politiques. On devrait d’ailleurs supporter financièrement les projets d’économie circulaire en créant des fonds de soutien pour les entreprises écoresponsables en essor, en plus de financer la recherche. Il faut noter que la force du réseau permet aux entrepreneurs de se retrouver entre eux pour faire face à la pression environnementale croissante. C’est pourquoi Anne Catherine Lebeau, fondatrice de la compagnie québécoise de redistribution des décors de théâtre et de cinéma Écosceno, affirme que tout est interrelié et que « le modèle, c’est le partage. » Essentiellement, il faut se commettre à travailler tous ensemble pour créer un maillage entre les entreprises, mais surtout, il faut faire en sorte que toutes les régions se sentent concernées.

Une occasion de se réinventer

En terminant, la hausse des préoccupations environnementales a pris une envergure inégalée depuis les dernières décennies. La relance verte est inévitable, et elle se doit d’être globale. Dans les circonstances actuelles, le Québec aurait la possibilité de jouer un rôle décisif comme inspirateurs d’un mouvement basé sur la remise en valeur de nos matériaux. Tous les secteurs se doivent d’orbiter autour de cette idée de circularité. Soyons sérieux : l’économie à demi circulaire n’existe pas. Soit tout le monde y adhère, soit elle s’asphyxie. Si l’une des étapes de la chaîne de valeur se rompt, ce sera beaucoup plus difficile de parvenir aux objectifs de réduction des GES. La surconsommation menant au gaspillage des ressources terrestres aura eu raison de nous. C’est donc dans une approche systémique et collaborative constante que vaincrons l’ennemi redoutable qu’est le modèle de consommation linéaire. L’économie circulaire est-elle la solution face aux changements climatiques ? Durant les prochaines années, nous devrons réinventer et redéployer un modèle qui est complètement différent de celui que nous avons créé durant les deux siècles précédents. Cette transition exigera une transformation complète de nos modes de production et nos modes de transformations et nécessitera des efforts colossaux. Seul un effort collectif nous permettra de nous remettre sur les rails. Comme le disait Anne-Marie Bonneau, autrice de plusieurs blogues sur le mouvement du zéro déchet : « Nous n’avons pas besoin d’une poignée de personnes qui pratique le zéro déchet à la perfection. Nous avons besoin de millions de personnes qui le font de manière imparfaite. »