Classé sur le podium des industries les plus polluantes, le secteur de la mode a encore de nombreux progrès à faire en matière d’écoresponsabilité. De nombreuses initiatives et de nouvelles marques fleurissent pour dessiner l’avenir d’une industrie textile plus respectueuse de l’environnement. Le processus de fabrication est au centre de cette transformation.
Mais comment se passe concrètement la confection d’un vêtement écoresponsable ?
L’exemple de Rose Buddha
Afin d’en connaître davantage, l’Association québécoise Zéro Déchet a décidé d’interroger un de ses membres entreprise, Rose Buddha. Madeleine a accepté de nous faire découvrir les coulisses de son entreprise.
Rose Buddha a été créée en 2016 par Madeleine Arcand, Maxime Morin et Benoit Boisclair avec comme objectif d’apporter une alternative écoresponsable aux vêtements de sport et du quotidien. Adeptes de yoga, Madeleine et Maxime sont parties du constat qu’il n’existait pas de leggings écologiques québécois. « Une fille qui voulait s’acheter un legging devait presque automatiquement se tourner vers des entreprises qui ne font pas des vêtements écologiques et de façon locale », précise la cofondatrice.
Première étape : choisir la matière écologique
C’est en Inde, lors d’un voyage en famille, que Madeleine découvre l’existence d’un textile conçu à partir de bouteilles en plastique recyclé, fait à 80% de plastique et 20% de Spandex afin que le tissu conserve son élasticité. Les cofondateurs décident alors de chercher un textile équivalent au Québec.
Le plastique recyclé présente plusieurs avantages par rapport à d’autres matières écologiques. Il permet de créer des vêtements techniques adaptés à l’activité sportive qui sèchent rapidement et sont gainants. Son autre avantage est qu’il n’a pas besoin d’être plongé dans de la peinture, susceptible de contenir solvants et produits chimiques.
“Plus de 500 000 bouteilles en plastique ont déjà été utilisées.”
Il faut compter environ 10 bouteilles en plastique recyclé pour réaliser un legging. Au total, plus de 500 000 bouteilles ont déjà été utilisées dans la confection des produits.
Une méthode de fabrication artisanale et locale
La fabrication d’un vêtement écoresponsable passe par une chaîne de production la plus locale possible, respectueuse de la qualité de vie au travail et de l’environnement.
Celle de Rose Buddha est soigneusement réfléchie. Tout est réalisé au Québec sauf le fil qui provient des Etats-Unis. « Il n’existe pas au Québec de machines qui récupèrent les bouteilles en plastique pour les transformer en fil », précise Madeleine. Une fois les ballots de fils réceptionnés, une entreprise montréalaise confectionne le textile.
Pour colorer ses tissus, Rose Buddha a recours à une technique écologique appelée sublimation. Sa particularité est d’utiliser des encres sensibles à la chaleur. Madeleine nous explique plus en détails le procédé : « Les dessins sont imprimés sur une feuille de papier, on colle celui-ci sur le tissu blanc. On met ensuite le tout dans une grosse presse chaude. En s’évaporant, l’encre écoresponsable va s’incruster dans le tissu. »
Non seulement cette technique est écologique mais elle permet également à Rose Buddha une grande liberté dans ses imprimés graphiques. L’entreprise fait d’ailleurs appel à Emilie Beaudoin, une artiste locale, pour designer ses leggings.
Une fois le tissu coloré et imprimé, il termine son chemin chez un confectionneur en Beauce, qui a les compétences nécessaires pour coudre un textile technique.
“Chaque pièce est assemblée une à une, à la main.”
Chaque pièce est assemblée une à une, à la main. Du début à la fin de la chaîne de production, il faut compter environ trois mois pour confectionner un legging. « Lorsqu’une personne achète un legging, ça part de là-bas, directement de l’entrepôt jusque chez la personne, pour limiter le transport.»
Enfin, la production respecte le zéro déchet. Les papiers d’impression sont recyclés et les retailles de tissus réutilisées pour fabriquer des intérieurs de poches, des cordons de vêtements, des accessoires et des bijoux. Même les plus petites retailles servent à emballer des produits. La boucle est bouclée !
Qu’inclut le prix d’un vêtement écoresponsable ?
Le legging de Rose Buddha coûte 118 dollars, soit la même gamme de prix qu’un legging de marque non écoresponsable, mais les coûts de production sont plus élevés.
« Le mètre de tissu que je fais tricoter me coûte extrêmement cher. L’impression écologique réalisée à Montréal me coûte également très cher. Je fais coudre mon tissu par une dame qui a une famille et je souhaite également qu’elle soit bien payée et respectée dans son travail. » précise la cofondatrice.
Une prise de conscience côté acheteur doit avoir lieu pour favoriser davantage les vêtements écologiques. Depuis la création de Rose Buddha, Madeleine a vu évoluer les mentalités concernant les modes de consommation : « Les acheteurs sont plus conscients des moyens de production des vêtements. » Elle constate également qu’avec la crise actuelle liée à la Covid-19, les Québécois se tournent plus volontiers vers des produits locaux.
Enfin, lorsqu’un acheteur fait le choix d’un vêtement écoresponsable, il adhère aux valeurs de l’entreprise. Le succès est subjectif et pour Madeleine, il ne se limite pas au chiffre d’affaires : « Personne chez Rose Buddha ne sera multimilliardaire mais tout le monde est bien payé et respecté. La nature est respectée », conclue-t-elle.
Au final, la confection d’un vêtement écoresponsable va bien au-delà du produit. Ce sont les valeurs et l’univers créés autour de la marque qui définissent l’identité de l’entreprise. Plus elle sera engagée, plus forts seront les liens créés avec sa communauté. Ensuite, au tour du consommateur d’agir en privilégiant un achat local plus respectueux de l’environnement, quitte à parfois payer un peu plus cher.
Charlotte Doumayrou, pour l’Association québécoise Zéro Déchet
(Cet article n’est pas commandité. Les opinions véhiculées dans ce billet sont celles de l’auteure.)