Dans l’imaginaire collectif, l’économie est souvent opposée à l’environnement, comme si l’un détruisait l’autre et que l’autre empêchait l’un de rouler. Or, il est possible de faire fonctionner les deux en harmonie. C’est ce que propose l’économie circulaire.
L’économie actuelle fonctionne selon un modèle linéaire : extraction des ressources, transformation, utilisation, puis mise au rebut. La circularité est une approche complètement différente qui permet d’atteindre un équilibre entre les ressources disponibles et les besoins humains. Son but est de créer des impacts positifs sur l’environnement et la communauté, au lieu de simplement limiter les dommages causés par les activités économiques humaines.
Ainsi, dans une économie circulaire, les déchets sont traités comme des ressources exploitables et restent dans la boucle de production. On appelle ce concept « du berceau au berceau » (Cradle to cradle), par opposition au modèle linéaire traditionnel du berceau au tombeau (Cradle to grave). La circularité s’attaque donc à deux aspects majeurs de la crise environnementale, soit la pression croissante exercée sur les ressources naturelles et la production de déchets en quantité astronomique.
Cette façon de faire s’inspire du concept de l’écosystème. En effet, dans la nature, le concept de déchet n’existe pas. Chaque élément a sa place et sert un objectif bien précis dans le cycle de la vie. Les plantes et les animaux qui meurent nourrissent les micro-organismes, qui les décomposent en nutriments assimilables par les plantes. Ces dernières poussent et nourrissent les animaux, qui meurent à leur tour et poursuivent le cycle. L’économie circulaire imite donc l’ingéniosité de la nature en reprenant le fonctionnement en boucle fermée des écosystèmes. Comme le dit Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée : tout se transforme! ».
L’ADEME, l’Agence de la transition écologique française, définit l’économie circulaire par sept piliers, divisés en trois domaines, que nous expliquerons plus bas.
OFFRE ET ACTEURS ÉCONOMIQUES
Pilier 1. L’approvisionnement durable
L’extraction des ressources doit se faire en limitant les impacts environnementaux et en favorisant la justice sociale. Si possible, on vise la durabilité de la ressource, en favorisant sa régénération. Dans le secteur agroalimentaire, il faut limiter les pesticides et les monocultures et en foresterie, on doit remplacer les coupes à blanc par des coupes sélectives.
Pilier 2. L’éco-conception
Il est possible de concevoir des produits qui permettent le désassemblage en fin de vie, puis un réassemblage des pièces pour en faire de nouveaux biens. Ainsi, les entreprises peuvent mettre en place des collectes de leurs vieux appareils pour les reconditionner et les revendre. Le recyclage devrait être la dernière option envisagée, car son efficacité varie en fonction du comportement des individus, et qu’il est peu efficace quand vient le temps de démonter des matériaux amalgamés.
Pilier 3. L’économie de la fonctionnalité
Au-delà d’un changement de design du produit, il est possible de changer de modèle d’affaires! Certaines entreprises choisissent de louer leurs produits au lieu de les vendre.. Mentionnons Michelin (pneus), Xerox (imprimantes) et Philips (éclairage) qui proposent à leur client d’acheter un service d’utilisation de leurs produits au lieu des produits eux-mêmes. Ce modèle d’affaires renverse la tendance de l’obsolescence programmée, car l’entreprise reste propriétaire et seule responsable de son produit.
Pilier 4. L’écologie industrielle et territoriale (ou symbiose industrielle)
C’est ici que le concept de l’écosystème entre en jeu, alors qu’un groupe d’entreprises s’allie pour travailler en réseau. Les intrants et sortants de chacune de ces compagnies sont mis en relation pour créer des circuits de production fermés et bien sûr, sans déchets. Comme dans la nature, chaque acteur dépend des autres et permet à la chaîne d’exister.
Prenons l’exemple des résidus de brasserie, appelés drêches. Ces derniers peuvent être séchés, moulus et transformés en farine, comme le fait l’entreprise Still Good, qui produit des biscuits à partir de cette matière première. Les résidus qui restent après la transformation de la farine sont utilisés par TriCycle, afin de nourrir leurs élevages d’insectes comestibles. Les déjections des petites bêtes sont ensuite utilisées comme fertilisants qui pourront servir à faire pousser de l’orge, qui ensuite se transformera en bière. La boucle est bouclée!
DEMANDE ET COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR.TRICE
Pilier 5. La Consommation responsable
La clé est de se tenir informé des origines des produits ainsi que des pratiques des entreprises. L’économie du partage, soit la mise en commun des biens, est aussi une belle solution, que ce soit l’autopartage, les bibliothèques, bibliothèque d’outils ou même des solutions à plus petite échelle avec des amis ou la famille.
Pilier 6. L’allongement de la durée d’usage
De résister à l’attrait des nouveaux produits, de réparer lorsque possible et d’acheter seconde main sont les points majeurs à retenir !
GESTION DES DÉCHETS
Pilier 7. Le recyclage
L’objectif est de trouver des débouchés aux déchets qui permettent de les sauver de l’enfouissement. Les matières résiduelles se classent en deux secteurs, biologique ou technique, en fonction de leur composition.
Le cycle biologique comprend la matière organique (déchets agricoles et forestiers, invendus des épiceries, compost domestique), qui doit le plus possible retourner à la terre pour fertiliser les sols. En agissant ainsi, on évite la production de déchets et on limite les besoins en engrais chimiques. La matière organique peut aussi servir de biomasse pour produire de l’énergie.
Le cycle technique rassemble tout ce qui est inorganique. Les produits devraient être partagés, réparés, réutilisés, reconditionnés et, seulement si rien de tout cela n’est possible, recyclés.
Un rapport de Recyc-Québec publié en 2021 estime à 3,5% l’indice de circularité de l’économie québécoise, ce qui veut dire que 96,5% des ressources consommées suivent le modèle linéaire et sont au final perdues. Pour comparer, la moyenne mondiale de l’indice de circularité est de 8,6% et le Danemark atteint 25%. Nous pouvons faire mieux que ça!
Pour conclure, le potentiel de l’économie circulaire, qui s’attaque directement à la source du problème, est énorme. De plus en plus d’entreprises adoptent des pratiques qui s’inscrivent dans ce courant, ce qui laisse présager une éventuelle révolution industrielle, bénéfique pour notre planète. Pour y arriver, il faudra cependant réussir à impliquer différents acteurs, d’une part, les consommateurs.trices, par un changement de leurs habitudes de consommation, d’autre part l’industrie, par une responsabilisation des entreprises. Si tous participent à cette transition, il n’est peut-être pas si utopique de rêver à un monde sans dépotoirs.
PAR EUGÉNIE LESSARD POUR L’ASSOCIATION QUÉBÉCOISE ZÉRO DÉCHET
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SOURCES
ADEME. (s.d.). Économie circulaire. https://www.ademe.fr/expertises/economie-circulaire
Bansard, J. et Schroder, M. (2021, 15 avril). L’exploitation durable des ressources naturelles : Le défi de la gouvernance. The International Institute for Sustainable Development. https://www.iisd.org/fr/articles/lexploitation-durable-des-ressources-naturelles-le-defi-de-la-gouvernance
Bérard, D. (2018, 15 mars). “L’économie circulaire est une stratégie d’affaires”. Les affaires. https://www.lesaffaires.com/blogues/diane-berard/comment-l-economie-circulaire-peut-donner-du-swing-et-du-coeur-au-quebec/601142
Économie de fonctionnalité. (s.d.). L’économie de fonctionnalité en pratique. http://economiedefonctionnalite.fr/en-pratique/
Ellen MacArthur Foundation. (s.d.). Circular economy introduction. https://ellenmacarthurfoundation.org/topics/circular-economy-introduction/overview
Fonds Écoleader. (s.d.). Un monde où rien ne se perd et tout se transforme, c’est possible? https://www.fondsecoleader.ca/videos/un-monde-ou-rien-ne-se-perd-et-tout-se-transforme-cest-possible/
Recyc-Québec. (s.d.). L’économie circulaire, une priorité. https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/entreprises-organismes/mieux-gerer/economie-circulaire
Recyc-Québec. (2021). Rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec. https://www.recyc-quebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/rapport-indice-circularite-fr.pdf
Recyc-Québec. (s.d.). Rapport sur l’indice de circularité de l’économie du Québec : un guide pour faire plus et faire mieux. Le Devoir. https://www.ledevoir.com/bis/602762/rapport-sur-l-indice-de-circularite-de-l-economie-du-quebec-un-guide-pour-faire-plus-et-faire-mieux
Sagan, A. (2019, 18 août). Des entrepreneurs se tournent vers la drêche. La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2019-08-18/des-entrepreneurs-se-tournent-vers-la-dreche
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Tamaehu-Plovier, L. (2020, 25 mai). Les 12 stratégies de circularité : Économie de fonctionnalité. Québec Circulaire. https://www.quebeccirculaire.org/articles/h/les-12-strategies-de-circularite-economie-de-fonctionnalite.html
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